Carlos Sainz Sr renonce finalement à sa candidature contre Mohammed Ben Sulayem lors des prochaines élections présidentielles de la FIA, qui auront lieu en décembre 2025. Cette décision inattendue a pour conséquence de laisser le président actuel sans adversaire déclaré à seulement cinq mois de l’élection. Dans un contexte marqué par des changements statutaires récents, cette situation soulève des questions sur l’ouverture démocratique du processus électoral.
Une décision motivée par plusieurs facteurs
Dans un message publié sur ses réseaux sociaux, Carlos Sainz Sr, double champion du monde des rallyes, a expliqué les raisons qui l’ont conduit à abandonner sa candidature. Il a indiqué avoir consacré beaucoup de temps et d’efforts à analyser la situation au sein de la FIA, ainsi que les exigences et les enjeux associés à une telle démarche. Au terme d’une réflexion approfondie, il en est venu à la conclusion que les circonstances actuelles ne sont pas favorables pour initier une campagne présidentielle. Il a notamment déclaré : « J’ai travaillé intensément ces derniers mois pour mieux comprendre la réalité de la FIA et les complexités qu’implique la volonté de se présenter. Après mûre réflexion, j’ai reconnu que le moment n’était pas propice pour lancer ma candidature. »
Les considérations personnelles du pilote ne s’arrêtent pas là. Sainz Sr souligne également ses engagements sportifs en cours. Il admet que se présenter à la présidence pourrait nuire à sa préparation pour le Dakar, une course qu’il ambitionne de disputer avec sérieux. Il insiste sur le fait qu’il ne souhaite pas mettre en péril sa participation à cette compétition majeure ou ses responsabilités auprès de son équipe et de Ford. Son engagement avec la marque américaine pour le rallye-raid de janvier 2026 demeure une priorité.
Toutefois, derrière ce discours officiel, la mention des « circonstances actuelles » semble faire référence aux modifications récentes des règles statutaires adoptées par la FIA. Selon un document confidentiel révélé par la BBC, ces changements permettent à Ben Sulayem de renforcer son contrôle sur le processus électoral et introduisent des critères d’éligibilité plus stricts, susceptibles d’avoir rendu la dépôt de candidature plus difficile pour Sainz ou d’autres candidats potentiels.
Les nouvelles contraintes statutaires ont-elles dissuadé Sainz ?
Les nouvelles règles introduites par Ben Sulayem comprennent notamment une exigence selon laquelle un candidat ne doit pas avoir dans son passé d’éléments pouvant remettre en question son intégrité professionnelle. Cette clause, combinée avec les règles éthiques de la FIA en matière de conflits d’intérêts, aurait pu compromettre la candidature de Sainz en raison de la carrière de son fils Carlos Jr en Formule 1.
Le père du pilote Williams avait par avance rassuré : « J’ai prouvé ma valeur, et ceux qui me connaissent savent que cela ne posera pas de problème. » Il avait aussi affirmé que, si sa candidature aboutissait, il se déploaderait complètement de la carrière de son fils pour éviter tout conflit d’intérêts : « La FIA est une organisation très sérieuse, et il n’y aura pas de conflit avec la carrière de Carlos Jr. » Il soulignait aussi que l’évolution de leur relation familiale se ferait naturellement si son projet de candidature se concrétisait.
De son côté, l’ancien pilote de Ferrari confirmait cette position en déclarant : « Ceux qui me connaissent ou connaissent mon père savent que nous n’engagerions jamais une démarche susceptible de créer un conflit d’intérêts. »
Un autre facteur a également pesé dans cette décision : le raccourcissement du délai de dépôt des candidatures. Passant de 49 à seulement 21 jours avant la date de l’élection, cette modification laisse moins de temps pour constituer une équipe solide et offre davantage de possibilités au comité de nomination, contrôlé par Ben Sulayem, de filtrer ou de rejeter les dossiers des candidats.
Ben Sulayem, un pas vers un second mandat presque assuré
Ce retrait de candidature d’un prétendant sérieux laisse le président sortant dans une position favorable pour rempiler. À ce jour, aucune autre figure n’a annoncé officiellement son intention de se présenter contre lui. Malgré les controverses et les critiques qui ont marqué son mandat depuis son élection en décembre 2021, Ben Sulayem apparaît comme le favori à un second mandat.
Son mandat a été ponctué de plusieurs crises internes. La démission soudaine de Robert Reid, vice-président chargé du sport et fidèle allié de l’actuel président, en avril dernier, a été très commentée. Reid avait critiqué des décisions prises en coulisses ainsi qu’une érosion progressive des principes qui, selon lui, devaient servir de fondements à la FIA.
Plus récemment, Sara Mariani, responsable de la durabilité, de la diversité et de l’inclusion, a quitté son poste suite à la suppression de sa fonction liée à une restructuration organisationnelle. Elle a aussi fait des déclarations poignantes dénonçant une atmosphère où les femmes en positions de leadership peinent à s’épanouir et à être respectées, relançant ainsi le débat sur la gouvernance interne de l’institution.
Ce départ intervient après celui de Natalie Robyn, la première femme à diriger la FIA en tant que PDG. Son départ, après seulement 18 mois de mandat, a été officiellement présenté comme étant dû à un « accord mutuel ». Toutefois, elle a par la suite évoqué des « circonstances difficiles » et des processus professionnels peu respectés, ce qui a été interprété comme une critique voilée de la gestion de Ben Sulayem.
Mobilisation et appuis en faveur de Sulayem
Malgré ces remous internes, le soutien à Ben Sulayem demeure solide. Récemment, une lettre signée par 36 clubs de course a exprimé leur appui pour sa réélection. Ces soutiens locaux jouent un rôle clé dans un système à forte influence géographique où la loyauté régionale est essentielle.
Par ailleurs, la nomination de Malcolm Wilson comme vice-président sportif, en remplacement de Reid, constitue une démarche stratégique pour renforcer la crédibilité de la direction. Wilson, figure emblématique du rallye au Royaume-Uni et à la tête de M-Sport depuis plusieurs décennies, confère une légitimité reconnue.
Enfin, le retour inattendu de Shaila-Ann Rao au sein de l’équipe de direction, comme conseillère présidentielle, surprend également. Ancienne directrice juridique de la FIA, Rao avait quitté l’organisation dans des circonstances tendues fin 2022. Des rapports suggèrent qu’elle aurait alors accusé Ben Sulayem de comportements inappropriés. Son retour pourrait indiquer une volonté de renforcer le rassemblement autour du président sortant.
Possible émergence de nouveaux candidats
Carlos Sainz Sr a tenu à préciser que sa décision de se retirer n’équivalait pas à une abdication totale du monde du sport automobile. Il a affirmé : « Même si je ne suis pas candidat, ma passion pour le sport et le désir de contribuer à son évolution restent intacts. Je crois qu’il est nécessaire d’introduire des changements majeurs. » Cela laisse supposer que d’autres personnalités pourraient se lancer dans la course dans les mois à venir afin de contester la position de Ben Sulayem.
L’élection de la FIA est programmée pour le 12 décembre, lors de l’assemblée générale qui se tiendra à Tachkent, en Ouzbékistan. À moins de surprises de dernière minute, l’actuel président semble en passe d’être réélu sans opposition formelle, ce qui renforcerait considérablement la stabilité de sa gouvernance.
Cette éventualité d’un scrutin à sens unique soulève de nombreuses inquiétudes quant à l’état de démocratie interne au sein de la FIA. La majorité des critiques portent sur le manque de pluralisme dans le processus électoral, notamment en raison des obstacles administratifs et réglementaires qui ont été accentués ces dernières années. Le retrait de Sainz Sr, pourtant seul candidat susceptible d’opposer Ben Sulayem, pourrait ainsi marquer une étape importante dans la transformation de la gouvernance de l’organisation.